Tendances naming en parfumerie

par Félix Oliot | le 14 octobre 2015

Du 15 au 17 septembre dernier, les professionnels de la beauté s’étaient tous donné rendez-vous à la Porte de Versailles à l’occasion du salon Beyond Beauty Paris. Trois jours consacrés à la découverte d’innovations, à l’exposition de marques françaises ou du monde entier et à des conférences d’experts. C’est dans ce cadre que Marcel Botton, fondateur et président de l’agence Nomen, avait été invité à livrer son analyse sur les tendances et nouvelles techniques de création de noms de marques dans les secteurs de la cosmétique et de la parfumerie.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de la conférence ici :

Pour ceux qui n’ont pas pu se rendre à cette conférence, et pour les autres, aussi, nous vous proposons un rapide compte rendu des enseignements de cette journée.

Epaulé par Laure Barillas, consultante chez Nomen, Marcel Botton a rappelé la complexité de créer un nom de toute pièce pour un parfum. L‘engorgement des dépôts en classe 3 pousse les marques à optimiser leur portefeuille de marques existant, quitte à remettre en avant le nom de la maison dans le nom du parfum (parmi les exemples cités : Miu Miu de Miu Miu (2015), Alaïa de Azzedine Alaïa (2015) ou encore My Burberry de Burberry (2014). De même, les grands parfumeurs n’hésitent pas à replonger dans leur histoire pour redonner vie à des classiques (exemples choisis : Sauvage de Dior (2015), La Panthère de Cartier (2014) et Le Nouveau Sagamore de Lancôme (2012).

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Sauvage, Dior

Cette difficulté à trouver de nouveaux substantifs protégeables d’un point de vue juridique et la volonté de préciser les images et symboles associés au nom concourent à l’augmentation d’une narration construite sur la locution. Les expressions viennent ainsi se substituer au mot unique ou au couple nom-adjectif. Ont par exemple été cités les exemples de La fille de l’air de Courrèges (2015), Le jardin de Monsieur Li chez Hermès (2015), Walk on air de Kate Spade (2015), Vent de Folie par Annick Goutal (2014) ou encore la Vierge de fer de Serge Lutens (2013).

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Le jardin de Monsieur Li, Hermès

La narration peut également se manifester grâce au rappel d’une figure mythologique, littéraire ou tutélaire. C’est par exemple le choix qu’a fait Chanel avec Misia (2015), en référence à Misia Sert, pianiste et égérie amie de Gabrielle Chanel. La maison Arquiste a elle convoqué le terme Nanban (2015), un mot sino-japonais désignant les étrangers qui arrivaient au Japon par la mer du sud. Hermès a lancé Bel Ami Vetiver (2014) en référence au célèbre roman de Guy de Maupassant.

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Bel Ami Vétiver, Hermès

Une autre tendance très actuelle réside dans l’utilisation d’un lexique articulé autour de l’orientalisme. Tous lancés en 2015 les parfums Oud Palao (Dyptique), Alien Oud (Thierry Mugler), Soir d’Orient  (Sisley), African Leather (Memo) et Oud Oriental (Versace) en sont les incarnations.

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Soir d’Orient, Sisley

Les racines latines et grecques, intemporelles garantes d’une stature et d’un héritage tutélaires, continuent à être appréciées par les parfumeurs. Parmi les exemples marquants, le parfum Invictus (invictus,a,um « invaincu, invincible, indomptable ») lancé en 2013 par PUIG a bien évidemment été cité. Paco Rabanne et Bulgari ont également joué sur les langues anciennes pour leurs nouveautés 2015 (respectivement Olympéa et Aqua Divina).

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Aqua Divina, Bulgari

Marcel Botton et Laure Barillas ont enfin souligné que, depuis peu, certaines maisons orientaient leur univers autour de « l’anonymat ». Ils ont rappelé que Guerlain a dévoilé en 2015 un parfum « sans nom », mais officieusement baptisé Mon Exclusif. Des lettres métalliques autocollantes sont fournies avec le flacon, permettant à la consommatrice de nommer son parfum selon ses envies. Ainsi, le nom s’efface pour laisser la personnalité du consommateur s’exprimer.

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“Mon Exclusif”, Guerlain

Citons également l’exemple de Tacit d’Aesop, (2015). Là, « le nom renvoie au savoir qui est compris implicitement plutôt que communiqué directement, et fait référence à une qualité insaisissable dont il est plus facile de faire l’expérience que de formuler » indique la marque.

Cette prise de parole du parfumeur résume bien toute la complexité de l’exercice de nommage d’un parfum. Mettre un nom sur une fragrance, un arôme ou un bouquet, mais aussi sur une sensation olfactive, et une intuition résulte d’une écriture permante d’un récit  en cohérence avec la perception.

A suivre sur Le Cent Deux : Etat des lieux et pronostics de tendances naming dans le secteur de la cosmétique.

Tous crédits photos : Unsplash, dior.com, hermes.com, sisley-paris.com, Bulgari.com, Guerlain.com