Le mot #55 : Chryséléphantin

par François Cerruti-Torossian | le 22 novembre 2016

Oui, vous avez bien lu : chrys-é-lé-phan-tin ! Encore un nom qui trompe énormément, vous direz-vous ?

Pas du tout ! Il ne s’agit ni d’une crise, ni d’un éléphant, ni d’un accès de colère de pachydermes, ni même d’une bouffée de chaleur hippopotamesque… ou presque !

Mais qu’est-ce que ce terme à première vue  énigmatique et un brin barré peut bien vouloir signifier ? Croyez-le ou pas, mais ce mot à l’allure singulière n’en a pourtant pas moins un sens des plus classiques… Au contraire !

Dèf : chryséléphantin est le nom donné aux statues d’or et d’ivoire. Vous le saviez, n’est-ce pas ? L’étymologie de chryséléphantin plonge ses racines dans le grec ancien, de « chrysos » signifiant « or » (χρυσός) et de « elephantinos » signifiant « d’ivoire » (ελεφάντινος). Comme quoi, tout s’explique !

En effet, la technique sculpturale chryséléphantine (eh, oui, voilà maintenant le coup de l’adjectif !) nous vient de la Grèce antique.

Le plus souvent ces statues chryséléphantines (oui, je sais, vous commencez à « cryser » !) étaient consacrées à des dieux très vénérés de l’Antiquité. On pense tout de suite à la statue d’Athéna, déesse de la sagesse, dans le Parthénon d’Athènes ou à la statue de Zeus, roi des dieux, dans le temple d’Olympie.

Mais arrêtons-nous quelques instants pour imaginer ce qu’était concrètement une statue chryséléphantine (voilà, vous voyez, vous finissez par vous habituer). Tout au fond d’un temple grec, se trouvait la statue du dieu, le saint des saints. Immense, du sol au plafond, cette statue occupait le mur entier, tout l’espace. Toute d’ivoire et d’or vêtue, elle étincelait finement dans une pénombre savamment travaillée où ne flambaient que quelques torches…

Je vous ai perdu ? Art Déco, on y go !

Il est vrai que les amateurs d’Art Déco seront un peu favorisés, car ce style, dans son retour à l’Antique, aura remis au goût du jour l’ancienne technique chryséléphantine (vous voyez, vous n’y faîtes même plus attention). Plus exactement, il s’agissait de statuettes chryséléphantines Art Déco, faites de bronze doré et d’ivoire, représentant des danseuses, des fillettes ou des bergères.

Géantes ou miniatures, grandioses ou tendres, de l’Antiquité à l’Art Déco, beauté et harmonie auront toujours été liées à ce mot.

Donc, on retient bien. Chryséléphantin : ni malaise de l’Infante d’Espagne,  ni Crésus dans la Savane africaine, mais simplement or et ivoire.

Alors, chryséléphantin, enfantin, hein ?

 

Crédits photo : http://awordaday.canalblog.com/archives/2010/09/15/19072801.html